ACTA
Par NiKo le samedi 11 février 2012, 14:46 - Coup de gueule - Lien permanent
Aujourd’hui, 11 février 2012, est un jour de manifestation contre ACTA (Anti-Counterfeiting Trade Agreement).
ACTA, c’est quoi ?
Officiellement, l’objectif de l’ACTA est de mettre en place des procédures juridiques internationales afin de protéger le droit d’auteur sur Internet.
Le traité a été signé le 26 janvier à Tokyo par les représentants de 22 pays européens (dont la France) ainsi que par ceux de l’Union européenne et de douze autres pays (dont Etats-Unis, Japon, Canada, Australie, Corée du sud, …).
Dans un sens, c’est plutôt logique, à l’heure des échanges de données mondialisés, que des pays s’organisent pour définir un cadre commun pour lutter contre les infractions au droit d’auteur.
Surtout que chacun dans leur coin ont déjà mis en place des ébauches de réponse (LOPPSI, HADOPI, SOPA et PIPA).
En revanche, si on se base sur la vision de la Quadrature du net, l'interprétation est différente :
« Acta est une offensive de plus contre le partage de la culture sur Internet. ACTA (pour Anti-Counterfeiting Trade Agreement ou accord commercial anti-contrefaçon) est un accord négocié secrètement de 2007 à 2010 par un petit “club” de pays (39 pays, dont les 27 de l’Union européenne, les États-Unis, le Japon, etc). Négocié plutôt que débattu démocratiquement, ACTA contourne les parlements et les organisations internationales pour imposer une logique répressive dictée par les industries du divertissement”
Pourquoi cette levée de boucliers ?
ACTA, à l’instar des projets SOPA et PIPA, apparait comme une menace à l’encontre de la liberté d’expression sur Internet, tel que nous le connaissons.
Hormis le problème de censure qui peut légitimement inquiéter, ce sont les modalités d’élaboration même de ce traité qui interrogent.
En effet, ce processus a été défini secrètement pendant 3 ans, hors de tout contrôle démocratique, par des lobbyistes représentant des intérêts privés.
Ça n’incite pas à être confiant en ce genre de texte.
On peut même se demander si l’opinion publique aurait été informée de l’existence même de l’ACTA si cela n’avait pas été dévoilé par Wikileaks en 2008
Censure, tout de suite les grands mots !!
Oui mais là, il faut dire que le texte rend responsables les fournisseurs d’accès en cas d’infraction de clients sur Internet (exemple concret : téléchargement d’une œuvre soumise au droit d’auteur).
Du coup, c’est une incitation explicite à faire contrôler tout ce que vous faites sur Internet par les FAI.
En leur donnant ce pouvoir de contrôle, mais aussi de police, cela engendre le risque qu’ils bloquent l’accès ou suppriment du contenu (voire interdisent certains protocoles internet), de manière préventive afin de ne pas être inquiétés par la suite.
De plus, ils devront transmettre les données personnelles des internautes suspectés de piratage … aux ayants droit, sans devoir passer par un juge !
Alors, pour les réelles infractions, beaucoup vont dire : « je ne vois pas le problème ».
Sauf que…. Une fois tous ces outils mis en place, qu’est-ce qui les empêchera un jour (j’ai pas dit demain ou après-demain) de bloquer un contenu jugé choquant (que cela soit une opinion de société, religieuse ou politique) par un pouvoir ne souhaitant pas de contestation?
Alors Ok, je fais peut être un peu de parano mais plusieurs voix se sont déjà élevées à ce sujet depuis quelques semaines, et pas des moindres.
Par exemple, le premier ministre Polonais a déclaré :
"J'ai pris la décision définitive de suspendre le processus de ratification de l'Acta. Je considère que les arguments des internautes [contre ce texte] sont justifiés »
L’ambassadrice du Slovénie au Japon parle de négligence civique lorsqu’elle fait référence à sa signature du traité et dénonce un texte qui « limite la liberté d’entreprise sur le plus grand et le plus important réseau dans l’histoire de l’humanité ».
L’Allemagne a également suspendu la ratification du texte au parlement.
Fin janvier, Kader Arif, l’eurodéputé rapporteur du texte auprès du Parlement Européen a purement et simplement démissionné, dénonçant en ces termes :
"Je tiens à dénoncer de la manière la plus vive l'ensemble du processus qui a conduit à la signature de cet accord : non association de la société civile, manque de transparence depuis le début des négociations, reports successifs de la signature du texte sans qu'aucune explication ne soit donnée, mise à l'écart des revendications du Parlement Européen pourtant exprimées dans plusieurs résolutions de notre assemblée"
Et d’ajouter :
« En tant que rapporteur sur le texte, j’ai également fait face à des manœuvre inédites de la droite de ce Parlement pour imposer un calendrier accéléré visant à faire passer l’accord au plus vite avant que l’opinion publique ne soit alertée, privant de fait le Parlement européen de son droit d’expression et des outils à sa disposition pour porter les revendication légitimes des citoyens »
Pas très rassurant tout ça….
En France, plusieurs candidats à l’élection présidentielle se sont positionnés contre ACTA (Eva Joly, Jean-Luc Mélenchon, …) mais la ligne officielle affirme :
« Cet accord ne porte aucunement atteinte aux libertés individuelles. [...] La France s’est par ailleurs mobilisée pour que cet accord soit négocié de manière aussi transparente que possible ».
No comment…..
Autre sujet de discorde, l’obligation de sanctionner le contournement des DRM (repris texto de l’article dédié chez Nikopik) :
« Vous connaissez les DRM ? Ce sont en gros des dispositifs mis en place pour que vous ne donniez pas à vos amis le nouveau super jeu vidéo / livre / film / musique que vous avez acheté légalement, et accessoirement que vous ne puissiez le lire qu’avec le logiciel / matériel prévus pour (cas des musiques achetées sur iTunes et lisibles uniquement sur appareils ou logiciels Apple).
Puisque les utilisateurs de solutions logicielles libres sont mis de côté par les DRM, des mesures de contournement ont été créées par des passionnés, afin qu’un utilisateur de Linux puisse voir un film en Blu-Ray par exemple.
Et bien ces contournements seront interdits, sans que l’interopérabilité puisse être garantie bien entendu… Ce qui fera que les systèmes d’exploitation commerciaux comme Windows ou Mac OS seront clairement favorisés par l’ACTA, puisqu’ils seront obligatoires pour pouvoir regarder un film, lire une musique achetés dans le commerce. Consommer de la culture numérique vendue dans le commerce vous obligera à passer par un système d’exploitation commercial, ou à pirater les œuvres, même si vous les avez légalement achetés. »
Pour Europe Ecologie/Les Verts, « Cet accord renforce le pouvoir des grands groupes comme Monsanto ou Microsoft face aux agriculteurs ou aux créateurs de logiciels libres. » et assure qu’il aboutit à la « marchandisation du vivant », à sa « brevetabilité », que les lobbies agro-industriels et pharmaceutiques ont eu voix au chapitre alors que la société civile n’était pas représentée à la table des négociations.
Cela pourrait également, sous prétexte de défendre les intérêts des marques et des brevets, limiter l’accès aux médicaments génériques et donc nuire à la santé des plus pauvres.
Donc il ne s’agit pas uniquement d’Internet et de piratage.
Et alors, que faire ?
Selon moi, la première chose à faire est de communiquer sur le sujet (d’où ce billet) car hormis les sites spécialisés, ce thème n’est pas vraiment relayé dans les médias traditionnels. Du moins, pas sous cet angle.
Ensuite, il y a toujours moyen de contacter les élus (députés et députés européens) afin de faire pression sur eux pour qu’ils s’opposent à la ratification du texte (ACTA est signé mais pas ratifié donc pas en vigueur).
Mon avis est qu’il ne faut pas qu’Internet soit une zone de non droit, mais a contrario, la réponse doit être proportionnelle au préjudice, et non pas un cheval de Troie insidieux mettant en place des outils de répression inadaptés et disproportionnés.
« Parce que nous sommes tous des citoyens à la fois usagers et acteurs d’Internet, que des lois comparables à des dispositifs de contrôle parental nous prennent pour des enfants, des criminels, des pédophiles, des nazis ou des terroristes […] Il faut défendre notre anonymat sur Internet parce que notre liberté ne doit pas être surveillée par des puissances elles aussi anonymes mais non légitimes. Parce que notre liberté ne doit pas être entravée par des lois absurdes et intéressées, aussi couteuses qu'inefficaces. Parce qu'Internet doit rester notre espace public »
Pour en savoir plus, voici un petit texte (en pdf) résumant les conséquences si ACTA entrait en vigueur : L’ACTA, les raisons de la controverse
Et je vous conseille de lire l’article rédigé par Nikopik que j’ai déjà cité plus haut, très complet et dont je me suis largement inspiré (j’espère qu’il ne m’en voudra pas).
Commentaires
Je ne risque pas de t'en vouloir ! Très bonne initiative de diffuser ce genre d'informations